Prisonnier de la rue Eugène Vignat
Document à la une de février 2022
Le mercredi 19 janvier 1944, un homme écrit une lettre adressée à sa famille. Cette lettre, dactylographiée, ne comporte pas d’indications évidentes sur l’identité de son auteur. Nous connaissons seulement l’endroit où il se trouve : à Orléans rue Eugène Vignat. Et quelques uns de ses proches sont brièvement évoqués.
La prison militaire dite « allemande » de la rue Eugène Vignat
La première phrase pose immédiatement le contexte, difficile, dans lequel se trouve l’auteur de cette lettre : « Je suis à Orléans rue Eugène Vignat ». Sans doute depuis peu car il n’a « pas été interrogé ». Ce lieu correspond aujourd’hui au palais des sports d’Orléans et n’a pas toujours été le théâtre de rencontres sportives. En effet, avant son inauguration en 1970 par Roger Secrétain, ce bâtiment était la prison militaire dite « allemande » que la Gestapo a exploité pendant la Seconde Guerre mondiale pour y détenir et interroger des résistants et opposants politiques. Il a donc vu passer nombre de captifs, dont l’auteur de cette lettre.
Des produits d’hygiène pour rester digne, une famille pour demeurer fils, mari et père
Ce qui interpelle dans la première partie de cette lettre est la préoccupation qu’a son auteur à vouloir rester digne dans des circonstances pourtant peu favorables. Il demande effectivement à ce qu’on lui apporte des produits d’hygiène nécessaires à sa vie d’incarcéré : « une serviette, un savon, une brosse à dent, de la pâte dentifrice, et un peigne ». Il évoque également des amis, ou des connaissances qui pourraient l’aider : Lemaignen, Guy Dantan, l’abbé Hatton et Libourelle. Il profite enfin de cette lettre pour embrasser tendrement les personnes qui comptent pour lui : ses filles, sa maman et sa chérie. Même s’il « pense écrire une lettre tous les quinze jours », il est assez évident que son avenir parait à ce moment précis bien obscur. Nous n’en saurons malheureusement pas plus à son sujet.
Mademoiselle Croissandeau
L’auteur anonyme en avait conscience : communiquer avec l’extérieur était chose ardue pour les détenus, et relevait souvent du parcours du combattant. Cependant, une personne a prêté main forte à ce combat : Mademoiselle Croissandeau. Assistante sociale en chef de la préfecture du Loiret pendant la Seconde Guerre mondiale, elle fut très sollicitée pour servir d’intermédiaire entre les séquestrés de la prison militaire situé au 14 rue Eugène Vignat, et leurs familles. Comment communiquer avec son mari, son fils ou son épouse ? Comment faire parvenir un colis ? Et comment savoir si le prisonnier était en bonne santé ? Mademoiselle Croissandeau était la personne à contacter pour avoir des réponses à ces questions.
Pour aller plus loin
- Tous les deux mois, les Archives départementales du Loiret mettent en valeur un document extrait des fonds, présenté dans le hall du Site des archives historiques et généalogiques, 6 rue d'Illiers, Orléans. Découvrez tous les documents à la une.
- Retrouvez la conférence « Pourquoi devient-on collaborateur sous l’Occupation ? » proposée le lundi 31 janvier 2022 par Roman Colas, étudiant à l’Université d’Orléans, ici.