Témoigner l’impossible
(Article publié en octobre 1999 dans le n°48 du magazine départemental)
Né à Boynes en 1891, Emile Poisson est décédé en 1990 à Pithiviers. Comme tous les jeunes de son âge, il s’est retrouvé plongé dans la folie guerrière de 14-18. Plus tard, il a écrit ses mémoires. Voici un extrait dont l’action se passe en septembre 1915.
Depuis hier, à treize heures, le combat n’a pas cessé. Combat si l’on veut ! Lancé à l’attaque d’une position ennemie, la butte de Souain, le régiment (…) a été arrêté par un réseau dense de barbelés, tandis que mitrailleuses et fusils ennemis se sont mis à cracher la mort sur les assaillants. Il a fallu ramper, se coller au sol, trouver un maigre repli de terrain (…) pendant que les balles claquaient aux oreilles comme des coups de fouet assourdissants. Ordre de demeurer sur place, malgré les pertes subies, tandis que gémissent et appellent les blessés toujours plus nombreux. Pour comble d’infortune, les obus français viennent frapper ces groupes de malheureux.
(Le lendemain)
Dans un creux du vallon, un groupement d’hommes se forme autour d’une pompe à balancier pour y remplir leurs bidons. Lointaine, une détonation puis un bourdonnement qui va s’amplifiant (…) et pour terminer un bruit comme un train chargé de ferrailles qui nous tombe sur la tête. (…) Un obus de 210 allemand est tombé tout à côté. (…) Quand l’horrible fumée noire s’est dissipée, sur les bords de l’entonnoir béant, on voit les restes déchiquetés d’un caporal et des deux hommes qui se trouvaient là. Des entrailles pendent aux branches d’un sapin…